Hégémonie

Selon Gramsci, l'hégémonie est l'ensemble de la culture des dominants intériorisée par les dominés. Pour reprendre le résumé qu'en fait Agir par la Culture (ici):

L’HÉGÉMONIE CULTURELLE
Constatant que les révolutions communistes promises par la théorie de Marx n’avaient pas eu lieu dans les sociétés industrielles de son époque, Gramsci formule une hypothèse. Si le pouvoir bourgeois tient, ce n’est pas uniquement par la main de fer par laquelle il tient le prolétariat, mais essentiellement grâce à son emprise sur les représentations culturelles de la masse des travailleurs. Cette hégémonie culturelle amenant même les dominés à adopter la vision du monde des dominants et à l’accepter comme « allant de soi ».
Cette domination se constitue et se maintient à travers la diffusion de valeurs au sein de l'École, l'Église, les partis, les organisations de travailleurs, l'institution scientifique, universitaire, artistique, les moyens de communication de masse… Autant de foyers culturels propageant des représentations qui conquièrent peu à peu les esprits et permettent d’obtenir le consentement du plus grand nombre.
Pour renverser la vapeur, toute conquête du pouvoir doit d’abord passer par un long travail idéologique, une lente préparation du terrain au sein de la société civile. Il faut, peu à peu, subvertir les esprits, installer les valeurs que l’on défend dans le domaine public afin de s’assurer d’une hégémonie culturelle avant et dans le but de prendre le pouvoir.
Exemple récent, l’idéologie néolibérale qui s’est auto-instituée comme seul système d’organisation économique possible. Il est le fruit d’un long travail sous-terrain de conquête des esprits depuis les cercles de réflexion d’économistes américains et européens (think-tanks) des années 50 aux journalistes, hauts fonctionnaires, leaders d’opinion, lobbys et artistes qui imposent peu à peu ses principales idées dans la sphère culturelle : « La compétition généralisée est saine », « Le marché s’auto-régule », « Il faut limiter les dépenses publiques et baisser les impôts », « L’État est un mauvais gestionnaire », etc.) avant de connaître une traduction politique dans la prise de pouvoir par Ronald Reagan aux États-Unis,  Margaret Thatcher en Angleterre jusqu’à Deng Xiaoping en Chine.
 En ce qui concerne notre réflexion autour des nuisances de l'emploi et de l'aliénation de la liberté humaine en général et du travail en particulier, nous pouvons reprendre le concept d'hégémonie culturelle à notre compte.

L'emploi (et l'employisme) sont des horizons culturels des dominants. Ils réduisent le travail à la vente de temps de travail, à la soumission à l'appât du gain d'un propriétaire lucratif et l'utilité sociale au seul travail. Ces horizons culturels sont intériorisés par les dominés.

Nous citerons notamment les partis de gauche (y compris révolutionnaire), les syndicats ou les groupements citoyens.

Les syndicats intériorisent la vision du monde des dominants (l'utilité sociale est liée au travail et le travail est réduit au seul emploi, à la seule vente de la force de travail à un propriétaire qui s'enrichit) et réclament à leur tour ... de l'emploi.

Les partis de gauche proposent des techniques fiscales audacieuses pour favoriser ... l'emploi. Les conservateurs (et les réformistes) entendent baisser les salaires pour favoriser ... l'emploi.

Nous rappelons que le travail hors emploi est utile socialement, qu'il génère moins de nuisances. Nous rappelons que la valeur économique est créée par les salaires et non par l'emploi.

L'hégémonie culturelle des dominants se marque par le fait que les dominés ont cessé de se battre pour du salaire et ont commencé à se battre pour de l'emploi, pour une forme pernicieuse et nuisible d'esclavage.