Santé

  • Définition

La santé est
un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.
Cette définition est celle du préambule1 de 1946 à la Constitution de l'organisation mondiale de la santé (OMS). Cette définition de l'OMS n'a pas été modifiée depuis 1946.
Elle implique que tous les besoins fondamentaux de la personne soient satisfaits, qu'ils soient affectifs, sanitaires, nutritionnels, sociaux ou culturels et du stade de l'embryon, voire des gamètes à celui de la personne âgée [selon Wikipédia].
Cette définition de l'OMS de la santé a une portée politique évidente.

Les besoins fondamentaux, selon Maslow, s'organisent en pyramide.

1. À la base, les besoins physiologiques (être nourri, avoir à boire, dormir, respirer) condamnent toutes formes de pollution, tout aiguillon de la nécessité.

2. Viennent ensuite les besoins de sécurité incompatibles avec l'anxiété de la précarité sociale, avec l'angoisse que génèrent les managements contemporains ou le harcèlement dont sont victimes nombres d'employés et de chômeurs.

3. Les besoins d'appartenance et d'amour demandent de disposer de temps pour soi et pour les autres, ce qui nécessite un encadrement strict du temps de travail impossible quand les travailleurs sont en concurrence entre eux.

4. Les besoins d'estime, de confiance, de respect de soi, de reconnaissance et d'appréciation des autres sont incompatibles avec la management par la haine et avec la compétition perpétuelle.

5. Enfin le cinquième besoin au sommet de la pyramide qui définit les êtres en bonne santé est celui d'accomplissement de soi. Pour s'accomplir, il faut être maître de son activité, il faut être libre dans ses actes et pouvoir mener ses ambitions à leur terme. Ceci est strictement impossible dans le cadre de l'emploi puisque l'emploi implique l'obéissance à un tiers et à la logique d'accumulation de l'employeur. Cette obéissance détourne l'énergie du travailleur vers des ambitions qui ne sont pas les siennes, des ambitions qui ne lui permettent pas de s'accomplir. Pour s'accomplir, il est nécessaire d'affranchir le travail de l'emploi.
  • Santé et emploi

Le travail hors emploi est signe de bonne santé. Sauf à y être contraint par la nécessité, si l'on a envie de faire des choses, de poser des actes, de s'impliquer, de fabriquer, c'est que l'on se sent bien.

L'absence d'envie de faire des choses, de poser des actes atteste une fatigue, une dépression ou une acédie (un surmenage).

L'acédie est souvent provoquée par la gestion du personnel. Les managers doivent faire donner un maximum à leurs subordonnés - quitte à ce que ces derniers craquent régulièrement et s'effondrent, quitte à les remplacer immédiatement par de futurs-ex chômeurs.

Mais il n'y a pas que la quantité de travail ou l'implication affective excessive dans des projets professionnel qui puissent provoquer l'acédie. Le stress permanent de la culture du résultat et de l'évaluation produit soit des impostures, des histoires qui prétendent construire la représentation du réel soit des êtres stressés, angoissés.

  • La santé comme coût

Dans ce XXIe siècle engoncé dans une crise de surproduction, les employistes entendent chasser les coûts. Pour eux, à l'instar de l'art, du rire, de l'éducation, des gens, de l'école, la santé est un coût. Le producérisme considère les médecins, les hôpitaux, les malades, les infirmières comme des charges - éventuellement utiles si le producérisme est marqué à gauche ou pas s'il est marqué très à droite. En niant la participation à la création de valeur économique des infirmières ou des malades, le producérisme manifeste surtout sa piètre compréhension de l'économie.

Mais, de manière plus inquiétante, cette façon de voir pousse à sous-investir le secteur des soins (et à sous-payer le personnel soignant). La santé des travailleurs se dégrade puisqu'ils sont moins bien soignés. Comme leur santé se dégradent, les travailleurs produisent moins, leurs prestations en terme de travail concret deviennent moins bonnes que quand ils étaient bien soignés.

La vision de la santé comme charge est donc non seulement une ineptie en terme de valeur économique (le salaire des infirmières et des invalides contribue au PIB) mais aussi en terme de valeur d'usage (les usines ne tournent plus très bien avec des ouvriers mal soignés).

Ces gens sont en train de nous sauver tous
Ce n'est pas tout. L'idéologie de la santé comme un coût est une véritable bombe à retardement pour la société tout entière (y compris pour ses membres les plus fortunés, d'ailleurs). Le jour où une épidémie mortelle se déclare - disons qu'ébola se répande dans un avenir prédictible - l'entièreté de la population sera touchée sans que les hôpitaux pour riches ne puissent servir - les pestiférés en seront chassés pour conserver les autres patients-clients - sans que l'argent ne constitue en rien une barrière contre les germes. Faute d'hôpitaux publics gratuits, performants, équipés et avec un personnel qualifié et nombreux, n'importe quelle épidémie de cet acabit serait une catastrophe. Imaginons ... un Grec revenir chez lui avec ce virus. Où ira-t-il se faire soigner? La santé publique est moribonde en Grèce, les pouvoirs publics sont rincés et insolvables. Et, une fois la Grèce touchée, qu'est-ce qui empêchera l'épidémie mortelle de se répandre sur l'ensemble du vieux continent - jusque sur la rive gauche du Lac de Zürich.

La convention capitaliste de la valeur et les dogmes producériste et employistes s'opposent aussi bien à l'intérêt commun qu'à la bonne économie. Pour parler selon leurs termes, la valeur capitaliste, le producérisme et l'employisme sont des coûts.

  • Les maladies professionnelles
L'existence d'un fonds des maladies professionnelles entérine, atteste la dangerosité de l'emploi à grande échelle. Ce fonds est alimenté par des cotisations obligatoires et peine à remplir toutes ses fonctions cas, quand un employé tombe malade à cause de son emploi, son employeur tente de convaincre que la maladie est étrangère à l'emploi. Comme il est difficile d'établir l'origine d'une maladie à facteurs multiples de manière sûre, les employeurs se dédouanent généralement de leurs responsabilités en termes de santé publique de la sorte.

On citera notamment les troubles musculo-squelettiques qui peuvent être aussi provoqués par des éléments extérieurs à l'emploi, les dépressions dans lesquels l'emploi peut parfois ne jouer qu'un rôle, les burn-out sont liés à l'emploi sans (quasiment) aucun doute mais sont requalifiées en dépressions réactionnelles - ce qui peut être provoqué par n'importe quoi.

La tentative de requalification de la maladie professionnelle par l'employeur est une forme particulièrement vicieuse d'externalisation. Elle condamne la victime de l'emploi à l'indigence en plus de la maladie.

Comme nous l'avons dit, parmi les maladies contemporaines régulièrement requalifiées, le burn-out et la dépression tiennent une place de choix. Le management force les employés à des gains de productivité - en accélérant leurs mouvement, en augmentant le stress sur le long terme ou en isolant socialement les travailleurs. Ces manières de faire favorisent (et je pèse mes mots) le phénomène du burn-out et la dépression réactionnelle qui lui est liée. Une fois de plus, outre le côté inhumain, monstrueux de ces pratiques, l'employisme pousse à l'aberration économique puisque les faibles gains de productivité sont entièrement privatisés et les coûts sanitaires extrêmement élevés sont, eux, intégralement à charge de la collectivité.

  • Les maladies de l'emploi

Par ailleurs, pour fonctionner, l'aiguillon de la nécessité maintient et doit veiller à maintenir les travailleurs dans l'indigence. L'aiguillon de la nécessité, c'est le manque d'argent, la misère et la peur de la misère. Cet aiguillon nous pousse à chercher un emploi, il nous pousse à vendre notre liberté à des gens animés par l'envie de s'enrichir. Nous devons être maintenus dans la misère pour être motivés à chercher n'importe quel emploi à n'importe quel prix (cf: la théorie du NAIRU).

La misère règne donc sur une partie substantiel des prolétariats contemporains et, avec elle, réapparaissent les maladies de la pauvreté qu'on avait crues éradiquées avec le keynésianisme des trente glorieuses: la tuberculose est ressortie des prisons, le scorbut est revenu et, avec lui, le rachitisme. Ces maladies peuvent être considérée comme des maladies d'emploi, des maladies de l'aiguillon de l'emploi.