Workfare

Un blogueur anglais écrit une lettre aux amateurs de workfare. Le workfare, c'est l'État qui prend soin par le travail. Ce mot a été composé comme celui de welfare (l'État qui prend soin par le bien-être voir notre article sur la sécurité sociale anglaise ici) ou le warfare (l'État qui prend soin par la guerre).

Le workfare est inspiré du producérisme, l'idéologie qui conditionne le droit de vivre à la vente de la force de travail à un employeur: l'État donne de l'argent aux chômeurs à condition qu'ils travaillent pour un employeur, gratis. Des expériences de travail gratuit ont déjà été menée pour les sans abris en Allemagne ou aux Pays-Bas (ici et ici), pour les minorités ethnique, en Hongrie (ici) et, pour les prisonniers, aux États-Unis (ici).

Voici la lettre traduite et résumée de Another Angry Voice (ici, en anglais) aux supporters du workfare. Il ne s'agit pas d'une lettre anti-employiste (nous en respectons le ton) mais elle a l'intérêt de décrire les effets catastrophiques du producérisme outre-Manche ... et ici.

- La stigmatisation des chômeurs est une manière de détourner l'attention sur le symptôme et non sur le mal. Les chômeurs subissent le chômage et, avec un chômage de masse, il est difficile de leur attribuer des caractéristiques intrinsèques sans tomber dans la mauvaise foi. Par contre, l'armée de réserve de chômeur permet d'atteindre le point d'équilibre du chômage (voir le NAIRU) qui évite toute inflation et maintient la pression sur les salaires. Cette armée de réserve permet de maintenir les taux de profit mais ces profits sont engloutis à l'échelle nationale par le fait qu'il n'y ait pas d'emploi pour des millions de personnes qui n'ont pas de salaire pour soutenir la demande.

La plupart des chômeurs sont des travailleurs ordinaires qui n'ont pas d'emploi parce que l'économie est mal gérée. Dans leur immense majorité, ils préféreraient vivre avec un vrai salaire plutôt qu'avec les indemnités misérables que leur octroie l'État [en Angleterre, la sécurité sociale est organisée par l'État, par l'impôt].

Si vous êtes fâché, il faudrait peut-être l'être contre les gens qui ont mal géré l'économie, qui ont organisé le chômage pour comprimer les salaires.
Incriminer les victimes
Pour chaque offre d'emploi, il y a des centaines de candidatures, il y a des millions de sans emploi qui recherchent des centaines de milliers d'emplois. Il y a plus de chômeurs que d'offres d'emploi. C'est le système qui est dysfonctionnel, pas les chômeurs.

Ce ne sera que quand le public mettra la pression sur l'État pour abandonner les pseudo théories économiques néolibérales qui exigent une masse de chômeurs que le plein emploi reviendra.

Si le plein emploi revient jamais et qu'il y a plein d'offres d'emploi pour tous ceux qui veulent travailler (comme c'était le cas au début des années 50 et à la fin des années 70), alors vous pourrez vous sentir libres d'en vouloir à la minorité de gens qui choisit de rester sans emploi alors qu'il y a plein d'emplois disponibles - en attendant, réservez votre rancœur aux vrais coupables.

Une aide orwellienne

- L'"aide" aux chômeurs ressemble souvent à un cadeau empoisonné qui les entraîne dans la misère: ils sont tenus d'interrompre leur formation, leur apprentissage ou leur travail bénévole pour faire des tâches ineptes payées au lance-pierre. Ils doivent prester ces travaux forcés pour des compagnies qui réduisent du coup leur masse salariale. Les chômeurs au travail forcé remplacent alors des gens qui auraient été payés pour le faire sans que cet emploi ne leur fasse acquérir la moindre expérience professionnelle autre que le nettoyage du sol ou l'ouverture de caisses.

- Six mois à nettoyer les sols ou à déballer des caisses qualifieront en tous cas infiniment moins que six mois de travail bénévole, d'apprentissage. Les employeurs qui embauchent des travailleurs forcés plutôt que des travailleurs motivés, à la recherche d'un emploi, d'une qualification ou d'une expérience ne sont pas n'importe qui: il est très improbable qu'ils embauchent les chômeurs au terme de leur "expérience" de six mois à déballer les caisses.
 Le "workfare" ne marche pas
Les chômeurs qui subissent le workfare ont le même taux de retour à l'emploi qu'un groupe test de chômeurs qui ne le subissent pas (soit, 18%). Le travail gratuit obligatoire est aussi efficace que rien du tout mais coûte 300 millions de livres (360 millions €) aux contribuables. Donc, il vaut mieux ne rien faire du tout.

 Des subventions aux compagnies

À y regarder de plus près, le workfare n'est pas un plan contre les chômeurs "paresseux" mais c'est un plan pour subventionner les compagnies sous la forme de main d'oeuvre gratuite. Tous ceux qui ont un emploi moyennement ou faiblement qualifié devraient s'inquiéter de l'extension voulue du workfare. Ce serait contraire aux intérêts de l'employeur de conserver des travailleurs payés avec les droits du travail alors qu'il suffit de les licencier et de les remplacer par des esclaves du worfare qui ne doivent pas être payés, qui ne jouissent pas de droit et peuvent être licenciés à l'envi.

Les seuls bénéficiaires du workfare, ce sont les compagnies qui veulent diminuer leurs coûts en remplaçant le travail payé par du travail gratuit et les compagnies parasites qui veulent administrer ce plan gouvernemental de confiscation.

Totalitarisme

Les gens qui pensent que le gouvernement a le droit de confisquer le travail des individus sont des supporters de l'État totalitaire. Ce type de personne croit que le peuple existe pour servir les intérêts du gouvernement et non que le gouvernement existe pour servir les intérêts du peuple.

Approuver le vol du travail des individus par le gouvernement est une pente très dangereuse car on voit mal alors un gouvernement applaudi parce qu'il vole le travail des gens ne pas être tenté de voler la propriété aussi. [Nous sommes tellement d'accord qu'on ne voit pas non plus pourquoi le vol de travail par des compagnies qu'est l'emploi n'est pas non plus la voie vers le totalitarisme]

À quoi sert l'Assurance Nationale?

 L'assurance nationale n'est pas un revenu mais une assurance que les travailleurs sont obligés de payer [il s'agit de la version anglaise de la sécu]. Obliger quelqu'un à payer une assurance quand il travaille puis conditionner les versements des indemnités de cette assurance à des prestations forcées et gratuite est contraire au droit, c'est une fraude.
Commentaires: dans les pays bismarkiens (la Belgique, la France ou l'Allemagne), les salaires sont socialisés, le chômage est un salaire de plein droit. Il est attaché au salaire, aux droits ouverts comme salariés. Il n'est pas lié au "j'ai cotisé, j'ai droit" du modèle assurantiel anglais mais est attaché au statut d'une personne (à qui effectivement, on n'a pas fait de cadeau quand il s'agissait de payer les cotisations sociales). Déchoir un citoyen de son statut, de ses droits pose également des problèmes juridiques bien qu'ils soient d'une autre nature que dans le modèle assurantiel. Il faudrait que les autorités puissent expliquer au nom de quelle loi le chômeur peut-être déchu de son statut de salarié (qu'il cherche de l'emploi ou non, d'ailleurs).

Est-ce que vous travailleriez pour trois euros de l'heure?

Même si vous considérez les allocations de chômage misérables de 88€ par semaine comme un salaire, faire travailler un adulte plus que 11h par semaine pour les recevoir casse le salaire minimum et les droits des pauvres victimes.

Est-ce que vous travailleriez 30 h par semaine pendant six mois pour trois euros de l'heure outre l'assurance chômage que vous avez déjà payée quand vous travailliez?

Si oui, vous êtes cinglé. Si non, pourquoi voulez-vous que d'autres le fassent?


Si le travail mérite d'être fait, il mérite qu'on paie quelqu'un pour le faire

Pour chaque chômeur forcé à travailler dans un de ces plans de confiscation financés par le contribuable, il y un emploi mal payé, peu qualifié en moins dans l'économie et donc un chômeur en plus ailleurs. Les seuls bénéficiaires, ce sont les intérêts des compagnies qui sont subventionnées par l'argent des contribuables pour avoir du travail gratuit.

Si nous permettons au gouvernement de saper le droit du travail et le salaire minimum comme ceux qui subventionnent le secteur des compagnies, il y a aura finalement des millions de personnes qui seront chassées de leur emploi et qui seront remplacées par des victimes du workfare.

Les gens qui n'ont pas réfléchi aux conséquences du workfare ont un gros problème parce qu'ils soutiennent les plans de confiscation de travail, ils soutiennent la paupérisation et le chômage qui sont justement les prétextes à ces plans.

Ce ne sont pas les "profiteurs oisifs" qui sont responsables de la pauvreté et du chômage mais ce sont les penseurs paresseux et réactionnaires qui suivent la propagande qui incrimine le symptôme et non la cause, des soutiens de cette sorte sont anti-progressistes de manière caricaturale et hérétiques en termes économiques.