Activation

  • Définition 

Selon les conseils de l'OCDE, il faut activer les dépenses sociales, il faut les transformer en aiguillon pour augmenter l'offre de travailleurs sur le marché de l'emploi. Les dépenses sociales doivent alors servir à former les chômeurs ou les malades, elles doivent servir à les encadrer, les harceler pour qu'ils cherchent un emploi. Elles doivent être conditionnées au fait que le chômeur est actif, c'est-à-dire qu'il cherche à placer son activité dans un cadre lucratif en vendant sa force de travail à quelqu'un qui entend en retirer de l'argent.

Nous précisons que la notion même de dépense sociale est aberrante puisque les salaires socialisés créent la valeur économique (voir ici) et qu'ils sont donc un investissement et non une dépense.

  • Histoire

Depuis 1964, l'OCDE
 recommande que l’on investisse dans le développement des ressources humaines, les stratégies pour la création d'emplois et l’amélioration des conditions de travail, la mobilité géographique, la prévision des besoins de main-d’œuvre, l'emploi des groupes marginaux et la mise en place de programmes de protection du revenu pendant le  chômage. Cette approche encourage le transfert des ressources consacrées aux mesures passives du marché du travail vers les mesures actives [ici]
Régulièrement, en 1976, en 1994, en 2006, les rapports de l'OCDE renouvellent ces recommandations employistes. Concrètement, il s'agit
- de pousser les chômeurs à suivre n'importe quelle formation
- de les sanctionner en les privant de salaires socialisés si leur comportement n'est pas jugé assez actif
- de payer des aides à l'embauche aux employeurs, ces aides augmentent directement les profits des actionnaires
- de multiplier les sous-statuts, les emplois aidés.

Les salaires socialisés sont des conquêtes de la lutte sociale arrachées au sortir de la seconde guerre mondiale (voir notre article ici pour la Belgique et ici pour la France). Ce sont des salaires. Le fait que ces salaires soient soumis à des conditions est un abus de pouvoir et une immense régression sociale par rapport aux conquêtes de la Libération.

L'activation des dépenses sociales a été mise en œuvre dans de nombreux pays sans jamais avoir infléchi la courbe du chômage. Depuis 1964, l'activation n'a jamais prouvé son efficacité mais elle continue à être l'alpha et l'oméga des politiques sociales.

- En Belgique: l'activation des chômeurs a été mise en place en 2004; l'activation des minimexés a été initiée en 1976 avec l'article 60. Les divers plans d'aide à l'emploi, les divers plans d'indemnisation des employeurs coûtent plus de 11 milliards (ici) à la Belgique dont plus de 3 milliards sont à charge de la sécurité sociale, pris sur les salaires socialisés. Ces 3 milliards représentent la moitié de l'entièreté des prestations de chômage.
Les chômeurs doivent prouver qu'ils cherchent activement de l'emploi pour conserver leurs droits. Ces preuves s'établissent au cours d'entretiens (en tout cas tous les 16 mois, parfois tous les 4 mois). Ce sont les chômeurs qui doivent apporter la preuve de leur activité et non les contrôleurs qui doivent apporter les preuves de l'inactivité des chômeurs.
En 1976, le taux de chômage était de 5,5% (sur des critères larges: il faut déclarer un chômage pour être chômeur).
En 2003, le taux de chômage était de 8,5%
En 2013, le taux de chômage était de 8,7% (sur des critères étroits: en travaillant quelques heures, on quitte les statistiques).

- En France, les Rmistes (puis Rmastes) doivent signer un contrat d'insertion avec leur assistant social. Ce contrat est adapté aux situations personnelles, aux problèmes du rmastes. De manière générale, la recherche d'emploi est considérée comme le critère ultime d'insertion. De même, les chômeurs indemnisés sont tenus de chercher un emploi faute de voir leurs prestations suspendues. Là aussi, le taux de chômage poursuit sa tendance à la hausse sur le temps long. L'ensemble des aides à l'emploi atteint, en France aussi, des sommes astronomique - que l'on songe au pacte de responsabilité qui promet 50 milliards aux employeurs - sans que le taux de chômage ait esquissé le début d'un retournement de courbe.

Depuis 2004, les employeurs qui embauchent des rmastes le touchent à leur place. Les dépenses sociales sont activées: elles sont directement versées aux actionnaires.

- En Allemagne, c'est la politique de Hartz IV: il s'agit de harceler les chômeurs, de les contraindre à accepter n'importe quel boulot. Ces mesure maintiennent les chômeur au chômage, dégradent l'image qu'ils ont d'eux-mêmes et les condamnent à la misère (voir nos articles ici).


  • Conséquences

L'activité est assimilée à la seule recherche d'emploi voire au seul emploi.
 Le concept et la pratique d'activation sèment la confusion quant à la différence entre emploi et travail.

La population présente sur le marché de l'emploi (le taux de population active) augmente.
Alors que dans les pays où il n'y a pas ou peu de politique d'activation, la proportion de la population active sur la population totale a tendance à baisser (comme aux États-Unis), les pays qui ont une politique sociale forte et s'en servent pour pousser les gens sur le marché de l'emploi ont une population active en croissance.

La croissance de la population active augmente mécaniquement le taux de chômage.
Le harcèlement institutionnel des chômeurs fait pression sur leurs exigences en terme de conditions de travail et de salaire. L'ensemble des travailleurs, sous la pression de cette concurrence "activée" voit ses conditions de travail se dégrader.

Comme les chômeurs sont tous harcelés, que le chômage est présent durablement, les recherches d'emploi s'avèrent souvent infructueuses.
On ne crée aucun emploi par la peur. Mais la santé mentale des chômeurs est mise en danger par des pratiques de harcèlement.

L'activation construit une vision du monde producériste, conservatrice, dans laquelle il faut "gagner sa croûte", dans laquelle le mérite conditionne le revenu et la soumission à un employeur et à ses exigences vénale conditionne le mérite. Étrangement, les revenus liés à la propriété lucrative ne sont jamais remis en question.

L'idée implicite de l'activation, c'est qu'on ne travaille bien que sous la contrainte. Ceci implique que le travail est nécessairement pénible et cela justifie, au fond, le carottage.

L'activation en tant qu'aides à l'emploi, qu'aides aux actionnaires des employeurs, crée l'idée que l'employeur a du mérite à employer, qu'il est généreux et bon parce qu'il emploie et, surtout, que le travailleur est un coût qu'il faut baisser. Cette politique baisse mécaniquement la part des salaires dans le PIB et augmente la part des dividendes.

Les salaires socialisés, les prestations de chômage, les pensions, sont des salaires de plein droit et créent la valeur économique à l'instar des autres salaires. Utiliser les salaires contre les salariés (et à leurs dépends) sans leur aval est un vol qualifié puisque les salaires sont la propriété des salariés, qu'ils soient individuels ou socialisés.

L'humain activé est un homo œconomicus, un être animé par ses seuls intérêts lucratifs. C'est le monstre sans qualité sur lequel les anthropologues de bazar libéraux fantasment. Comme cet humain n'existent pas, les politiques mises en oeuvre en son nom sont inefficaces, inadaptées et contre-productives et ce à l'aune des critères de réussite producéristes eux-mêmes.