Marché

Dans l'article éponyme, nous avons parlé de la marchandise et de la logique qu'elle induisait quand la valeur dont elle était porteuse devient l'objectif de la production économique.

Le fétichisme de la marchandise est la logique capitaliste par excellence, à savoir, pour Marx:

(1)
M-C-C'-M'

avec M=la valeur des marchandises initiales (en termes comptables, les consommations intermédiaires, ce qu'il faut acheter pour produire)
avec C=la valeur du capital investi (salaire et investissements)
avec C'=la valeur du capital après le travail (la différence entre C et C', est la valeur ajoutée, produite exclusivement par les travailleurs, hors emploi et dans l'emploi)
avec M'=la valeur des nouvelles marchandises qui réalisent C', que permet d'acheter le capital constitué.

Le principe de cette équation, de ce mouvement de la marchandise, c'est l'accumulation. Nous l'avons vu, l'accumulation s'inscrit dans une logique exponentielle, c'est une arnaque type pyramide de Ponzi.


Pour autant, il nous faut distinguer la logique de la marchandise, le capitalisme du marché lui-même. Le marché est l'ensemble des biens et des services, des productions économiques qui ont un prix. Tous les biens et les services qui ont un prix ne sont pas nécessairement produit de manière capitaliste.

La logique capitaliste repose sur quatre institutions selon l'économiste Bernard Friot:

1. La propriété lucrative des moyens de production permet aux actionnaires ou aux créanciers de s'accaparer les fruits du travail des employés, ils s'attribuent aussi bien les dividendes que la gestion des investissements - tous produits par le travail des employés et des hors emploi.

2. La convention du travail capitaliste mesure la valeur produite par le travail en comptant le temps. Ceci marque profondément le travail concret dans les usines, dans les bureaux. Il faut aller vite et produire le plus rapidement possible de la valeur.

3. La concurrence organise l'activité. Il faut être plus rapides que les autres, il faut produire davantage de valeur ajoutée par unité de temps, etc. L'emploi est organisé par un marché du travail. Le temps humain est alors une marchandise comme une autre. Le but des employeurs est logiquement d'en diminuer le coût.

4. Le crédit privé finance l'investissement et la dépense. Ce crédit est assorti de taux d'intérêt qui, combinés à une échelle macro-économique, constituent eux aussi une fonction exponentielle qui concentre mécaniquement la richesse. 

On peut imaginer

- des marchandises à prix disponibles sur un marché qui ne soient pas capitalistes.
Par exemple: les marchandises d'un petit artisan sans dette; la part du prix de toutes les marchandises qui correspond à la valeur produite hors du capitalisme par les retraités, les chômeurs, les malades, les médecins, les instituteurs ou les fonctionnaires. Cette part du prix est intégrée via l'impôt pour les salaires des fonctionnaires ou les cotisations sociales pour les salariés hors emploi.

- des marchandises à prix disponibles sur le marché qui soient capitalistes.
C'est le cas de tout ce qui est produit par des sociétés à actions privée dans un but lucratif. Les sodas, les meubles ou le ciment en font partie.

- des biens et des services sans prix qui soient capitalistes.
C'est le cas des dépenses de l'État, les dépenses d'énergie, d'infrastructure ou de restauration immobilière, par exemple. Elles ne coûtent rien directement, elles sont intégrées dans les prix des autres marchandises par l'impôt mais elles sont produites par des sociétés privées selon la logique capitaliste.

- des biens et des services sans prix qui ne soient pas capitalistes.
C'est le cas aussi bien de l'économie domestique vampirisée par l'économie lucrative que des services publics gratuits - les écoles, les hôpitaux, les commissariats, les casernes de pompier, les routes (sauf si elles sont sous-traitées au privé), etc.

Pour quitter l'emploi, il faut nécessairement quitter la logique capitaliste ce qui n'implique pas nécessairement de quitter le marché, l'échange de marchandises à prix - la gratuité est un objectif louable mais qui ne constitue pas en soi une sortie de l'emploi. La gratuité doit être intégrée dans les prix des marchandises à prix et, à l'extrême, si une seule marchandise à prix se trouve sur le marché, elle doit intégrer dans son prix toute la valeur ajoutée utiles aux salaires et aux investissements de toute la production économique gratuite - ce qui la rendrait assurément impayable, sauf à travailler pour rien mais c'est là une démarche qui risque de mettre à l'encan les acquis des luttes féministes ou des luttes antiesclavagistes.