Taylorisme, Fordisme, Toyotisme

  • Définition

Formes de gestion de la production.

  • Taylorisme

Le développement du cadre économique productif a industrialisé les modes de production via la mise en concurrence des produits et a divisé la société en classes définies par des rapports de production spécifiques.

L'action réalisatrice d'un ouvrage est socialisée par l'outil de production. Si un artisan peut utiliser des techniques ou des horaires propres pour réaliser un ouvrage commandé par le marché, s'il peut adapter le rythme de son travail à ses besoins sociaux ou à son état physique ou psychique, l'omniprésence de la machine et de ses règles rigides impose au producteur sa cadence et sa logique propres. Il ne s'agit pas alors d'une technique dans laquelle le sujet peut investir une quelconque créativité, il s'agit d'une machine conçue pour produire de la valeur ajoutée le plus rapidement possible dans un système de concurrence, c'est-à-dire une machine qui ne souffre pas d'autre objectif que celui-là, qui maximise la plus-value horaire du travail vivant.

Le producteur adapte sa production à la variété de la demande et à sa solvabilité. Le modèle tayloriste
prédétermine les tâches à accomplir [...] par l'établissement de modes opératoires à suivre, et de temps alloués à respecter, définis par les intéressés par un service spécialisé(1).
En conséquence, les actes posés par le travailleur sont réfléchis à l'avance et sont pensés pour maximiser leur productivité. Au moment où le travailleur pose ces actes, il ne doit plus les penser - fût-ce pour en maximiser la productivité en terme de valeur.

Le travail à la chaîne implique
un temps uniforme à chaque poste de travail [...] et une longueur de pas identique. [...] Il faut que les opérateurs aient à chaque poste de travail un nombre d'opérations dont le temps et l'espace d'exécution [...] se rapprochent le plus possible du temps de cycle et de la longueur du "pas"(2).
La quantification marchande du temps affecte tous les instants de la production du travailleur. Tous les mouvements, tous les gestes et, dans les modèles productifs plus récents, tous les affects du travailleur sont calibrés au moment où il travaille en fonction de leur productivité horaire. Le travail ne peut donc plus singulariser, il incarne une logique sociale sur laquelle ni le travailleur, ni même d'ailleurs l'employeur, n'ont prise. Cette logique sociale est déconnectée de la sensibilité particulière des travailleurs, des consommateurs ou des investisseurs.

  • Fordisme

Cette tendance s'accentue dans le modèle fordiste dans lequel l'organisation productive est
fortement centralisée, séquentiellement intégrée en ligne continue, mécanisée et cadencée, fondée sur la prédétermination et la standardisation d'opérations élémentaires distribuées entre les postes de travail de manière indépendante et indifférenciée pour saturer le temps du cycle (3).
Dans ce modèle productif, le travailleur est intéressé à une partie des bénéfices sans que son rendement personnel soit directement déterminant. Il s'agit aussi bien de pouvoir écouler les marchandises produites en soutenant les salaires des producteurs que d'éviter que, rebutés par les tâches répétitives et déqualifiées, les travailleurs ne s'en aillent ailleurs.

  • Toyotisme et Hondisme

Dans ces modèles de production plus individualisés, le travailleur est intéressé au niveau salarial au rendement de son travail. Il doit intérioriser la logique productiviste pour maximiser son propre gain horaire. Il devient complice actif et finalement toujours malheureux de son exploitation.

Dans le modèle toyotiste, la relation salariale
incite les salariés et les fournisseurs à contribuer à la réduction des coûts: les premiers par un système de salaire qui fait dépendre [les] montants mensuels de la réduction des temps au sein de chaque équipe, et les seconds par l'engagement d'une réduction pluriannuelle des coûts (4).

Dans le modèle hondiste, la relation salariale valorise
l'expertise et l'initiative individuelles, tant au niveau du recrutement, de la formation, du salaire que de la promotion, afin de susciter au sein de l'entreprise l'émergence d'innovateurs et de développer la capacité à changer rapidement d'activité (5).
La créativité du travail elle-même est alors liée à une évaluation individuelle permanente et doit toujours in fine maximiser la rentabilité du travail. L'intériorisation de la logique de la plus-value dans les traits les plus personnels de la personne, dans sa créativité, dans sa capacité à innover, dissout ces traits de personnalité dans la logique économique (voir le loft management, ici).

  • Notes

Les extraits sont tirés de R. Boyer et M. Freyssenet, Les Modèles Productifs, La Découverte, 2000.

(1) p.44
(2) p.54
(3) p.61
(4) p.87
(5) p.100