Esclave

L'esclavage se distingue de l'emploi par le fait que l'esclave n'est pas rémunéré et qu'il n'est pas libre de ses actes puisqu'il est considéré comme une propriété de son maître. Par contre, en tant que propriétaire de l'objet-esclave, le maître a intérêt à le nourrir convenablement, à le loger, à le vêtir ou à le chauffer, ce qui n'est pas le cas de l'employeur puisqu'une armée de réserve attend un emploi pour pouvoir survivre. Il peut tout aussi bien laisser mourir de misère ses employés puisque d'autres en bonne santé attendent leur place.

En nous inspirant de Malcolm X, nous distinguerons trois types d'esclaves.

- L'esclave des champs est celui qui travaille le plus dur. Il meurt à la tâche, est battu, maltraité, affamé. C'est l'équivalent du prolétariat moderne que l'on retrouve aussi bien en Chine qu'au Bangladesh et, de plus en plus en Europe.

- L'esclave de maison est beaucoup mieux traité. Il reçoit un vêtement, une pitance et un logement dignes. Il est intégré à la famille et prend fait et cause pour ses maîtres contre ses frères et sœurs. Il s'agit de l'équivalent du cadre, de l'employé bien payé, content de ses patrons, de ses avantages, de son train de vie. Il prend lui aussi fait et cause pour les intérêts de son patron. Le paysage audiovisuel est un excellent exemple de 'nègres de maison'. Les journalistes stars multicartes y multiplient les exercices de flagornerie envers les puissants, ils se montrent intraitables envers les 'nègres des champs'. Sans relâche, sans question, sans trêve, ils relaient la parole de la domination employique. Leurs bons gages ne doivent pas faire oublier leur servilité, le caractère domestique de leurs prestations.

- Les esclaves évadés sont rares mais ils ont toujours existé. Au péril de leur vie, ils quittent le confort de leur soumission. La plupart ont été repris, torturés, tués mais certains ont pu incarner de leur irréductible existence la liberté. Ils nous sont chers. Ils nous servent de modèle. Aujourd'hui, ce sont ceux qu'on appelle des marginaux qui, hors de l'emploi, avec un courage et une ténacité remarquables, s'ingénient à inventer des formes de vie. Ils sont les incarnations aussi fragiles que puissantes de la dignité, de la liberté que les salaires consentis aux autres esclaves ont fait oublier. Certains se perdent en route, certains se font reprendre par la logique de l'emploi mais d'autres demeurent fidèles à leur idéal.