Culture

I.
La culture a deux acceptions. D'abord, il s'agit de mode de vie, de façon d'organiser la réalité, le quotidien, de percevoir les choses. Ce sont des costumes, des habitudes alimentaires, une organisation économique et sociale, des règlements, des us, des coutumes ou des lois. Ces éléments sont issus d'une histoire, d'un ancrage dans un terroir et/ou d'influences diverses.

En ce sens, la culture constitue un obstacle à la logique de l'emploi puisqu'elle organise les désirs, ce qui est susceptible d'entraver le fonctionnement optimum de la création de valeur dans la convention capitaliste du travail.

Elle doit donc être découragée par tous les moyens par les propriétaires de moyens de production - sauf à être folklorisée et muséifiée, rendue insignifiante et inopérante.

Par contre, l'ersatz d'identité culturelle peut servir de base à une mentalité cocardière aiguillon de la compétition de tous contre tous. Le nationalisme, le chauvinisme va pousser les travailleurs à s'opposer entre pays, entre régions, entre usines, entre sexes, entre origines géographique, entre croyances, etc.

La seconde acception plus latine correspond à la production de biens culturels valorisée, il s'agit d'arts majeurs, de production 'gratuite'. L'absence de lien entre les deux acceptions piège déjà le producteur puisque la production de sens culturel ne peut être détachée du mode de vie, de la vision du monde socio-culturelle dont elle est issue.

Dans cette acception, la logique de l'emploi a, là aussi, joué un rôle déterminant. Étranger à toute logique assimilable à l'emploi, l'art se veut quête, expression d'un artiste, recherche esthétique ou métaphysique d'un humain en proie à sa créativité, au génie de son temps. L'emploi transforme l'art en production artistique, l'artiste en cote et l’œuvre d'art en frigo à valeur,, le travail concret du créateur en travail abstrait de création de valeur.

Il s'agit pour les propriétaires lucratifs de trouver un débouché à l'accumulation de capital issue du vol de temps des producteurs. Le fantasme du stockage de valeur est une aberration économique: le capital n'a de valeur que dans la mesure où il peut servir à acquérir des biens et des services produits au moment de sa réalisation et n'a donc aucune valeur sans production économique pour le réaliser. Le stockage de capital est une pulsion de conservation, de mort à la seconde puissance: pulsion de mort parce que l'argent est un accaparement anal de la vie, de la puissance désirant d'autrui et pulsion de mort parce que la valeur est dotée d'une éternité, d'un caractère indestructible, à l'abri de tout devenir vital.

C'est le sens du marché de l'art, un gigantesque réservoir imaginaire à valeur, une peur mal assumée du temps comme vecteur de changement et de désir, une négation, au fond, de ce qui fait la beauté de l'art, sa fragile ouverture aux aléas, aux risques (et aux plaisirs) de l'existence.

Mais vous pouvez acquérir tous les Van Gogh du monde, vous n'aurez jamais son talent, jamais vous ne partagerez sa quête d'absolu, sa façon de peupler le monde ou le sel de son existence. En ce sens, l'argent dans le marché de l'art est voué à un échec inéluctable.

II.
Les cultures poussent et nourrissent les bras qui les ont semées - et d'autres moins solides ou occupés à d'autres tâches. Ce sont alors en lien avec les deux acceptions ci-dessus, des rythmes de mise en culture, de récolte, de fête de moisson selon le lieu, ce qui s'y plante, ce qu'il y pousse, le climat, etc.

Là aussi l'emploi a joué un rôle délétère d'uniformisation des us. Cette uniformisation des pratiques agricoles (voir PAC) est rendue nécessaire par la logique de la valeur. La valeur met en équivalence quantitative des choses absolument étrangères. Pour les rendre interchangeables, le marché exige une uniformisation des marchandises en question. Cette normalisation des produits uniformise ensuite les pratiques de production elles-mêmes, le travail et la vie qui s'organise autour.

L'emploi crée des êtres sans qualité culturelle, sans spécificité et fond la diversité humaine dans l'interchangeable, le quantifiable et le fétichisme de la marchandise.