Austérité

Nom donné à la guerre au salaire dans les médias dominants.

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Qu'est-ce que l'austérité quand on s'oppose à l'emploi?

L'austérité est justifiée par la dette et par l'équilibre des comptes publics.


La dette est détenue par des gens qui ont pu épargner sur leurs revenus. Sans s'attarder sur le petit épargnant qui place des économies en créance de la dette publique, en obligation puisque ce petit épargnant va finir par réaliser son capital, dans une voiture, dans une maison ou dans des études pour ses enfants. La partie de la dette publique détenue par les petits épargnants est très faible.

Les gens qui peuvent épargner sont essentiellement des gros revenus - soit des salaires mirobolants, soit des revenus issus des dividendes, éventuellement par le truchement de produits financiers plus ou moins farfelus. Si c'est une épargne issue de salaires mirobolant, elle grève la productivité puisqu'il s'agit d'une partie non dépensée du capital produit; si c'est de l'épargne issue de dividendes, il s'agit d'un vol de valeur ajoutée au producteur.

En tous cas, les créanciers ont obtenu leur argent soit de manière contre-productive, ce sont alors des boulets économiques dont il faut réduire l'effet délétère sur l'économie, soit ce sont des voleurs. Il faut alors saisir les biens recelés.

Bref, nous avons donc une dette publique qui justifie une série de mesures d'austérité. Voyons ce que fait la politique d'austérité.

Elle coupe les dépenses publiques, c'est-à-dire la partie de la valeur ajoutée qui correspond à la reconnaissance de la valeur créée hors du marché de l'emploi par les fonctionnaires. Cette mesure pousse une partie des fonctionnaires au chômage, ce qui les oblige à se mettre sur le marché de l'emploi.

L'austérité coupe également les budgets sociaux, les prestations de la sécurité sociale dues aux chômeurs ou aux retraités. Ces coupes ont comme effet de diminuer le PIB, la valeur ajoutée nationale et elles privent de reconnaissance économique une série d'agents économiques hors de l'emploi. De nouveau, les sexagénaires et les chômeurs sont poussés à accepter n'importe quel emploi à n'importe quel prix sur le marché de l'emploi.

Comme les chômeurs, les anciens-futurs retraités et les anciens fonctionnaires cherchent de l'emploi à tout prix, les salaires des employés diminuent du fait de l'austérité. Ceci grève la productivité nationale, fait baisser le PIB et prolonge la crise économique.

Au final, les politiques d'austérité favorisent l'emploi et tuent le salaire. Elles
- font baisser les salaires, notamment les salaires socialisés, indépendants du marché de l'emploi
- interviennent dans la lutte entre les producteurs et les propriétaires à l'avantage des seconds
- poussent les actifs à se vendre sur le marché de l'emploi
- diminuent les revenus publics (alors qu'elles sont censées éponger des dettes)
- diminuent les revenus nationaux (ce qui rend le pays moins solvable et les dettes plus compliquées à honorer).

Souvent, les politiques d'austérité s'accompagnent de dégradations des conditions de travail, de recul du droit du travail et d'appauvrissement des travailleurs. Elles n'ont pas d'effet positif sur les comptes publics mais pourrissent le rapport du force dans le monde de l'emploi, elles permettent de sauver, d'augmenter les dividendes alors que l'économie sombre et que les employés sont de plus en plus exploités - mais c'est peut-être là leur véritable objectif.

  • Austérité, salaire et valeur ajoutée
[Ce paragraphe et le suivant sont intégralement repris dans l'article "valeur ajoutée"]

Prix : 100 €
Consommations intermédiaires 80 € Valeur ajoutée 20 €
C.I. 80 € Investissements
5 €
Dividendes
5 €
Salaires socialisés 5 € Sal. individ. 5 €
Voir (1)

Les salaires sociaux disparaissent au profit des dividendes au nom de la compétitivité
C.I. 80 € Investissements
5 €
Dividendes 10 € Sal. ind. 5 €
Voir (2)

Sous la pression du chômage, les salaires individuels se réduisent fortement
C.I. 80 € Investissements
5 €
Dividendes 12 € S.I.
3 €
Voir (3) La demande baisse, les prix baissent sous la pression de la concurrence


C.I. 64 € Inv, 4 € Dividendes 4 € S.I.
3 €





Prix : 75 €
Fig. 1

 Explication du dessin:

(1) C'est la structure de la valeur ajoutée telle que nous l'avons connue. Une partie part en profit (dividendes et investissement) et une partie part en salaire (socialisés et directs).

(2) Depuis quarante ans, les salaires socialisés et les impôts, les salaires des fonctionnaires, sont régulièrement sapés, diminués, marginalisés avec l'étonnante complicité des syndicats. Cette diminution ne profite absolument pas aux salaires individuels, aux salaires directs ni aux investissements: ce sont les dividendes qui ont augmenté.

(3) La diminution des salaires socialisés a permis d'embaucher les nouveaux travailleurs avec des conditions de travail dégradées, avec des salaires directs amoindris. La diminution de la masse salariale globale n'a pas profité aux investissements mais exclusivement aux dividendes, une fois encore.

(4) Mais les entreprises sont soumises à une concurrence acharnée. Les clients-travailleurs sont rincés puisque les salaires directs et socialisés ont diminué. Les entreprises doivent donc réduire leur prix si elles ne veulent pas disparaître. La baisse des prix diminue les dividendes et, une fois que les prix sont baissés (disons d'un quart), les consommations intermédiaires et les investissements sont eux aussi diminués puisque les prix des marchandises achetées comme investissements ou comme consommations intermédiaires ont baissé globalement.

La baisse générale des prix est ce qu'on appelle une déflation. C'est une catastrophe économique qui fait exploser le chômage et les dettes (ça ne vous dit rien?). Le PIB, la somme de toutes les valeurs ajoutées nationales, diminue. Les carnets de commande des entreprises demeurent vides puisque les clients n'ont plus de salaire à dépenser. Face à l'absence de commande, les entreprises vont licencier leur personnel et accentuer les effets cycliques.


  • Effets de l'austérité sur les composants de la valeur ajoutée

Le taux de profit du capital augmente dans un premier temps mais, pour la plupart des entreprises, c'est finalement la ruine qui les attend puisque, faute de clients, les dettes s'entassent, les machines rouillent et l'usine compte les pluies. 
Au final, si l'on définit le taux de profit comme le rapport entre les dividendes et les capitaux investis, on a
(2)
Taux de profit=Dividendes/Consommations Intermédiaires+Investissements+Salaires

Cette équation appliquée à la fig. 1 donne comme résultat 6% au début du processus décrit par le dessin et ... 6% à la fin. Il n'y a donc pas eu, finalement, d'augmentation du taux de profit.
Par contre, la structure organique du capital est modifiée par la rigueur, l'austérité (ou la déflation salariale, c'est pareil). 
La structure organique du capital est le rapport entre le capital fixe (les investissements) et le capital vivant (les salaires - socialisés ou individuels). Sur la Fig. 1, ce rapport passe de 0,5 à 1,33. Les investissements en capital fixe, en machines, en équipements deviennent déterminants face à la concurrence alors que l'importance relative des salaires baisse. La course à l'équipement sans travailleur pose un problème économique majeur: ce sont les salariés qui remplissent finalement le carnet de commande in fine or la déflation salariale comprime immanquablement, à plus ou moins long terme, la demande.

Les salaires sont diminués relativement par rapport aux investissements. Pour produire, il faut relativement de plus en plus investir pour pouvoir écouler une production meilleure marché, sans salaire, sans travailleurs.