Libertarien

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  • Définition

Théorie politique qui entend
- promouvoir un système de propriété et de marché universel

- promouvoir la liberté individuelle comprise comme droit de propriété (notamment lucrative)

- défendre le principe de non-agression - notamment en minimisant le rôle de l'État (et, dans l'État, les libertariens incluent curieusement la sécurité sociale, les enseignants ou le personnel soignant qui n'agressent pourtant personne).

  • Une théorie impossible

Cette théorie est impossible

- parce que la liberté d'action n'est pas compatible avec la liberté de propriété lucrative. Il n'est pas possible de pouvoir accaparer les droits à la jouissance des biens communs et de pouvoir accaparer le fruit du travail d'autrui sans empiéter sur la liberté de la propriété d'usage et sur la liberté d'action de ses pairs

- parce que la propriété des moyens de production et la propriété lucrative ne peuvent fonctionner que par l'existence d'une violence légitime exclusive (qu'elle se nomme officiellement État ou milice privée est relativement secondaire).

  • Jalons historiques

1.  Robert Nozick, Anarchie, État et utopie, 1974.

Source Wikipédia:
Nozick a conçu la théorie de l'« habilitation » (entitlement), qui veut que toute personne doive être habilitée (entitled) à posséder des biens. Cette habilitation doit être conforme à l'un des trois grands principes libertariens:
  1. La propriété de soi (self-ownership) : tout individu dispose d'un droit absolu sur sa personne, sur ses talents et les fruits de son travail. La seule restriction consiste à ne pouvoir renoncer à sa propre liberté.
  2. Le principe originel d'acquisition : le titulaire initial d'un droit de propriété sur un objet est la personne qui en a revendiqué en premier la propriété. Ce principe peut éventuellement être tempéré par la clause lockéenne. Celle-ci exige que l'appropriation ne peut s'établir au détriment de personnes qui se trouveraient alors dans une situation pire que celle qu'elles connaîtraient dans un "état de nature", exempt de tout droit de propriété.
  3. Le principe de juste circulation : il y a juste transfert du droit de propriété lorsque celui-ci est obtenu par transfert volontaire entre l'acquéreur et le propriétaire légitime, avec ou sans contrepartie.
Cependant, il s'ajoute un quatrième principe, soit le principe de juste réparation. Ce dernier énonce que dans le cas où les principes précédents n'ont pas été respectés, il doit y avoir juste réparation de la part du fautif envers les personnes qui ont été brimées, directement ou non.
Le premier principe est incompatible avec la notion de propriété lucrative pourtant ardemment défendue par les libartariens.

L'appropriation des biens communs (l'enclosure) en cours depuis plus de deux siècles s'oppose au deuxième principe et en rend l'application insane.

Le troisième principe impose un échange de propriété entre égaux en droit. C'est tout à fait impossible dans le cadre de relations déséquilibrées telles que celles de l'emploi.

2.  Ayn Rand, La Grève (Atlas Shrugged), 1958

La pasionaria du capitalisme sans intervention de l'État récusait le terme de libertarien mais elle en a fondé les bases philosophiques dans ses romans. Cet auteure à succès a eu une influence considérable aux États-Unis (mais infiniment moins en Europe où l'on apprécie guère son style peu littéraire). La volonté individuelle est à la base de tout (et le collectif est à la base de tous les maux - je résume).

Si on suit l'intrigue de La Grève, la production de valeur économique est le fait des seuls propriétaires lucratifs. Sans eux, l'économie ne pourrait tourner. Ce sont eux qui font tourner l'économie productive. Cette thèse pour le moins originale revient à dire que le seigneur produit ce que cultive le serf, que le maître produit ce que fait l'esclave, etc.

Le meilleur démenti à La Grève est donné par ... les grèves. Quand les travailleurs cessent de travailler pour leur patron censé produire toute chose, cela l'incommode curieusement à tel point que certains employeurs souhaiteraient sabrer, limiter voire abroger le droit de grève.

Pour aller plus loin, écouter l'émission de Là-bas si j'y suis ici.
  • Influence
La petite musique libertarienne se fait entendre quand des gens stigmatisent l'État obèse, quand ils parlent des dépenses de sécurité sociale, des coûts salariaux, quand ils assimilent les prestations sociales et l'impôt, quand ils dénoncent les chômeurs, quand ils dénoncent l'apathie des travailleurs, quand ils estiment que les gens ne travaillent pas assez longtemps, pas assez fort ...

Cette petite musique se fait entendre au nom de la liberté, ce qui donne à cette dernière un étrange parfum une fois passées les portes de l'usine ou du bureau. Ce libertarianisme-là s'accommode décidément très bien du producérisme. Cette musique libertarienne s'entend dans les partis de droite de droite, dans les partis de gauche de droite, dans les directions syndicales, dans les instances européennes, dans les institutions internationales, dans les médias-chiens de garde, etc.

Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale

Ronald Reagan, président des États-Unis d'Amérique

Les frères Koch, industriels pollueurs multirécidivistes et délinquants sociaux

Rupert Murdoch, magnat de la presse

  • Une religion

Le libertarianisme évalue les expériences économiques de façon très simple:

ce qui n'a pas fonctionné n'a pas fonctionné parce que ce n'était pas suffisamment libertarien

ce qui a fonctionné a fonctionné parce que c'était libertarien.

Avec ce genre de foi, les libertariens sont sûrs de ne pas se tromper.